RUBRIQUE 4 a)
Cher Maître,Je vous confirme mes commentaires verbaux (déjà exposés lors de la réunion tenue au Ministère de la Justice le vendredi 18 février 2000) sur la décision judiciaire du Tribunal Supérieur d'Innsbruck du 02 février 2000 qui a ordonné la libération sans condition du Dr Krombach.
A) Le seul document auquel l'Autriche devait se référer (la Convention Européenne d'Extradition) est complètement occulté par cette décision ; or d'après ce traité :
B) Ainsi la Décision judiciaire autrichienne est complètement illégale car elle méconnaît les prescriptions supranationales de la Convention Européenne d'Extradition ; l'Autriche ne pouvait pas se référer sur le fond :
- l'Autriche était obligée d'extrader le Dr Krombach vers la France (article 1) ;
- en ce qui concerne le principe de l'autorité de la chose jugée, seuls les termes de l'article 9 de cette convention peuvent être pris en considération : l'Autriche ne devait pas tenir compte des arguments fallacieux présentés par l'Allemagne dans ce cadre ; d'ailleurs la jurisprudence découlant de l'arrêt du 08 juillet 1997 de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation (voir Bulletin 267) est très nette sur ce point;
- en outre, d'après l'article 16-4, l'Autriche ne pouvait éventuellement mettre le Dr Krombach en liberté provisoire sans prendre toute mesure en vue d'éviter sa fuite !
Ainsi l'Autriche n'a pas à s'occuper des prétendues enquêtes ouvertes en Allemagne : c'est seulement une affaire à régler le cas échéant entre la France et l'Allemagne.
- ni à la loi autrichienne qui ne s'applique que pour la procédure formelle de l'extradition,
- ni à l'article 54 de la Convention d'Application des Accords de Schengen qui n'a aucun lien avec les dispositions du Chapitre IV du titre III de ce texte traitant de l'extradition, d'autant plus que l'Autriche n'y a adhéré qu'en 1999 ?
- et ni à la convention bilatérale entre la France et l'Autriche du 09 juillet 1975.
C) Même en faisant abstraction des développements ci-dessus l'Autriche ne peut pas considérer :
1. ni que le Dr Krombach a été définitivement jugé en Allemagne car il n'y a eu dans ce pays que quelques enquêtes ouvertes "pour faire quelque chose" mais toujours très rapidement clôturées par le Parquet qui a fermé les yeux sur toutes les preuves pour le couvrir : pourquoi ? Le Dr Krombach n'a même jamais été convoqué ni entendu par une autorité judiciaire allemande ; de plus aucune garde à vue sérieuse n'y a été ordonnée ! Je pense que même si le procureur allemand avait personnellement assisté au viol et au meurtre de Kalinka par le Dr Krombach il aurait affirmé qu'il n'a rien vu !
D'ailleurs dans ce cadre la décision autrichienne ignore totalement les importants faits nouveaux et preuves supplémentaires (dont surtout les expertises médicales) concluant l'instruction judiciaire menée par les autorités françaises : ces éléments vont à l'encontre de la suspension des poursuites en Allemagne.
D'ailleurs je tiens à bien préciser que les prétendues enquêtes clôturées par la décision du Procureur de Kempten du 24 février 1986 n'ont pas été suivies par mon avocat : elles ont été ouvertes sur les demandes présentées en novembre et décembre 1983 par les députés de Bavière, d'autant plus que par sa lettre du 12 avril 1984 le Ministre de la Justice écrivait par avance au Président du Parlement que la position du Parquet ne changerait pas !
Il n'y a jamais eu en Allemagne pour cette affaire une audience contradictoire d'une quelconque juridiction de jugement à l'encontre du Dr Krombach qui n'y a jamais été inculpé.
2. Ni que le Dr Krombach ne peut plus être poursuivi en Allemagne pour le meurtre de Kalinka : en effet, malgré la décision du 09 septembre 1987 du Tribunal Supérieur de Munich, l'avocat du Dr Krombach a demandé et obtenu vicieusement en 1994 la réouverture des enquêtes qui ont été clôturées mais sans nouveau recours au Tribunal Supérieur de Munich : donc les prescriptions de l'article 174-2 du Code allemand ne peuvent pas s'appliquer !x
En conséquence de tous les arguments exposés ci-dessus, la décision autrichienne de libérer le Dr Krombach est bien un déni de justice : c'est une mascarade pour jouer une farce par l'Autriche à la France sous la prédominance de l'Allemagne.
Je vous rappelle donc les termes du paragraphe 3 et surtout de la conclusion de ma lettre du 11 février 2000 à Madame GUIGOU : il convient que les gouvernants français concernés réagissent immédiatement vivement contre l'Autriche sur la base de cette affaire concrète au lieu de continuer leurs inutiles gesticulations médiatiques générales contre ce pays.
Dans cette attente et avec mes remerciements,
Je vous prie d'agréer, Cher Maître,l'expression de mes salutations distinguées.