LETTRE OUVERTE
Monsieur le Président de la République,Je me réfère au viol puis à l'assassinat de ma fille Kalinka le 09 juillet 1982 soir à Lindau (Allemagne) par son beau-père, le Dr Krombach, cardiologue.
Je vous joins :
J'avais déjà écrit aux Ministres de la Justice, d'abord en 1983 et 1984, puis surtout en 1986 et 1987 (je tiens les copies des courriers réciproques correspondants à votre disposition si vous le souhaitez) pour demander l'appui (pratiquement nul !) de leurs services pour faire aboutir cette affaire : finalement, après une instruction trop lente (de 1984 à 1992) menée quand même à son terme par trois Juges successifs (Madame ANZANI puis Monsieur VILLEMIN et enfin surtout Madame FOULON), en particulier grâce à ma persévérance, la Chambre d'Accusation, par son arrêt du 08 avril 1993, a décidé de déférer le Dr Krombach pour meurtre devant la Cour d'Assises dans le cadre des articles 295 et 304 du Code Pénal prévoyant donc la réclusion à perpétuité.
- un résumé (9 pages) que j'avais établi le 15 mars 1989, de cette affaire judiciaire, d'abord en Allemagne, puis en France à compter de janvier 1984, date de ma plainte avec constitution de partie civile,
- et la mise à jour actuelle (3 pages) aboutissant à la condamnation du criminel à quinze ans de réclusion le 09 mars 1995 par la Cour d'Assises de Paris statuant par contumace,
- ainsi que ma lettre du 15 novembre 1995 à Monsieur l'Avocat Général Chargé de l'Exécution des Peines.
Malheureusement, à partir de cette date, la trop grande bienveillance de la France vis-à-vis des autorités allemandes (qui ont toujours couvert et protégé le Dr Krombach), qui n'était jusque-là que sous-jacente, s'est manisfestée au grand jour ! En effet :
De plus, lors de l'audience du 09 mars 1995 de la Cour d'Assises statuant par contumace, l'avocat français et l'avocat allemand ainsi que le Représentant de l'Ambassade d'Allemagne à Paris, en plaidant et en déposant des conclusions contrairement à toutes les règles de droit, ont manifestement intimidé le Président Wacogne ainsi que les deux Juges assesseurs, qui ont scandaleusement accepté de réduire la peine sur les ordres évidents des Ministres des la Justice et des Affaires Etrangères ! En effet :
- d'abord pourquoi les sessions de la Cour d'Assises (dont les dates ont été fixées définitivement cinq fois de suite de mars 1994 à mars 1995) ont-elles été reportées successivement à quatre reprises sur la demande de l'accusé ? Un tel cas de mansuétude ne s'est jamais produit dans les annales judiciaires !
- ensuite pourquoi le 01 mars 1995 à 16 h, le Président WACOGNE (au lieu d'ouvrir comme prévu la session de la Cour d'Assises) a-t-il reçu dans son bureau pendant plus de deux heures l'avocat français et l'avocat allemand de l'accusé ainsi surtout que le Représentant de l'Ambassade d'Allemagne à Paris en refusant à mon propre avocat d'assister à cet entretien pour finalement encore ajourner l'audience ? Il s'agit là d'une intervention politique scandaleuse qui n'a pu évidemment aboutir qu'avec les accords préalables des Ministères français de la Justice et des Affaires Etrangères ! Une telle collusion est ahurissante d'autant plus que lorsqu'en 1983 et 1984, j'avais écrit aux Ministres des Affaires Etrangères pour demander l'appui des services diplomatiques français et en particulier du Consulat de France à Munich, je n'ai obtenu aucune aide réelle : bien au contraire, je n'ai reçu que des refus catégoriques ! Je tiens les copies des courriers réciproques correspondants à votre disposition si vous le souhaitez.
Dans ce contexte pour le moins très surprenant, les anomalies persistent : l'Avocat Général Chargé de l'Exécution des Peines, sur les ordres du Ministère de la Justice et du Ministère des Affaires Etrangères, n'a donné aucune suite à l'Arrêt Pénal de la Cour d'Assises du 09 mars 1995 : à quoi cela sert-il donc de rendre la justice, même mal, si le violeur meurtrier continue sa vie paisible à Lindau sans être aucunement inquiété ? De plus ce Procureur n'a même pas daigné répondre à ce jour à ma lettre du 15 novembre 1995 malgré mes nombreuses réclamations préalables et ses promesses téléphoniques ! Il ne peut donc s'agir que de pressions politiques ou d'un marchandage entre la France et l'Allemagne : mais quelle est la contrepartie ?
- d'abord pourquoi Monsieur LAUDET, Avocat Général, dans sa réquisition, n'a-t-il demandé que trente ans de réclusion alors que la Chambre d'Accusation avait conclu pour la perpétuité ?
- puis pourquoi la Cour d'Assises n'a-t-elle prononcé qu'une peine de seulement quinze ans alors qu'habituellement par contumace c'est toujours la peine maximun (c'est-à-dire dans ce cas la perpétuité) qui est décidée ?
- enfin pourquoi, même en disqualifiant (ce qui est un cas exceptionnel unique !), sans aucune explication, le meurtre prouvé par la Chambre d'Accusation, les trois magistrats ont-ils statué sur la base de l'article 311 du Code Pénal au lieu de se placer dans le cadre de l'article 312 (qui prévoit également la perpétuité) puisque Kalinka avait évidemment moins de quinze ans et était sous l'autorité du Dr Krombach : c'est une mascarade volontairement manigancée car personne ne peut croire qu'il s'agit d'une simple erreur impossible à ce stade de la justice !
Je vous avais déjà personnellement écrit en 1986 au sujet de cette affaire lorsque vous étiez Premier Ministre : je tiens les copies des courriers réciproques correspondants à votre disposition si le vous le souhaitez.
Aussi, pour que la France ne soit pas davantage ridiculisée par l'Allemagne, je vous demande à nouveau d'ordonner aux Ministres de la Justice et des Affaires Etrangères, au besoin en prenant des mesures cohercitives communes contre l'Allemagne pour l'obliger à livrer le Dr Krombach :
- de requérir l'extradition du Dr Krombach : je suis sûr que cela est possible dans le cadre des dispositions de la Convention Européenne correspondante,
- et de lancer un mandat d'arrêt international en le diffusant partout et surtout à tous les postes frontières des divers pays entourant l'Allemagne et en particulier à BREGENZ en Autriche et à SAINT-MARGRETHEN en Suisse proches de Lindau en Allemangne : je suis certain que cela est réalisable dans le cadre des prescriptions de la Convention Européenne d'Entraide Judiciaire en Matière Pénale ainsi que des modalités pratiques mises en place pour l'application de l'Accord de Schengen.
x J'espère que les termes encore volontairement trop souples de la présente lettre aboutiront à des poursuites concrètes pour mettre fin à ce scandale politique car, après cette lutte judiciaire de près de 14 ans, il ne m'est plus possible de tolérer un résultat nul dans des circonstances aussi abominables.
Dans cette attente et avec mes remerciements,
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma considération distinguée.
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